Association CLI.M.A. 57-67-68
Identification
 
Nouveau? Créer un compte !

Dossiers météo-climato-photo


    1] le climat à l'ère romaine en Alsace-Moselle


Le climat de l'an 0 à 400 en Alsace-Moselle

 

Période jusqu'à l'année 350

La longue période allant du début de notre ére jusqu'au Moyen-Age est marquée par des changements climatiques sensibles que je vais essayer de retracer de la manière la plus claire possible; avec le peu d'informations que nous possédons à ce jour sur ces années très reculées dans le temps, nous sommes loin de pouvoir vous donner des éléments très précis, mais ce sont les aléas du travail d' historien qui sont les nôtres dans cette partie de notre étude.
Vous verrez que, même avec le recul que nous avons actuellement sur l'évolution du climat, il est parfois difficile d'en bien cerner les variations car, dans n'importe quel ordre de classification, il y a toujours des évènements ou des séries d'évènements, sur des périodes portant parfois sur des dizaines d'années, qui forment des interstades au sein d'une période définie.
Ainsi dans une période dite « chaude » ou de réchauffement, il apparaît que des séries d'hivers très rigoureux viennent s'intercaler d'une manière tout à fait fortuite et presque illogique dans des années davantage marquées par la douceur.

Pour commencer la période allant jusque vers 350 est réputée être plus douce que la norme avec une température moyenne supérieure d'1°C avec des oscillations au sein de cette même période, bien entendu.
Mais comme nous n'avons que peu d'informations, ce ne sont que les évènements les plus exceptionnels qui nous ont été relatés.

1) Série d'années pluvieuses marquées par des inondations fréquentes
entre les années 50 et 60 :


Les inondations de l'Ill, du Rhin ou de la Moselle ont été suffisamment fréquentes et dévastatrices pour que des sites habités ont dû être abandonnés : ainsi Strasbourg et une dizaine de postes romains établis entre l'Ill et le Rhin ; ces postes ont été reculés provisoirement sur des collines à l'abri des intempéries jusque vers l'an 60 , date à laquelle ils ont été reconstruits, signe que les conditions de vie au bord de ces cours d'eau sont revenues à la normale. De même l'agriculture est en nette régression durant cette même période, ce qui corrobore les faits.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que les cours d'eau en Alsace et en Moselle à cette époque étaient loin de ressembler à ceux de l'époque contemporaine : en effet, au cours des siècles les cours d'eau ont souvent modifié leurs lits et, surtout à partir du 19e siècle, ceux-ci ont été pour la plupart canalisés; ainsi le Rhin, qui circulait d'une manière presque chaotique dans son Ried formé de méandres, bras morts, marigots, avec un lot important d'îles ou d'îlots parfois éphémères, le tout remodelé à chaque crue importante.
Les quantités d'eau ne pouvaient pas être contenues en cas de crue comme c'est le cas aujourd'hui et les débordements pouvaient se produire rapidement sans crier gare et dévaster de vastes zones en peu de temps.

2) Les années 60 à 300

Une seule année est marqué par un hiver très froid, l'année 66, ce qui semble confirmer que les hivers ne sont pas très froids dans l'ensemble dans cette période.

Des années sont encore marquées par des inondations exceptionnelles, comme par exemple celle de 175 avec l'Ill qui ravage la place romaine d'Ehl (près de Benfeld) qui vient tout juste d'être remise en état et qui doit être reconstruite.
Deux autres années, 279 et 280, ont connu de grandes inondations mémorables. Mais nous ne savons pas avec précision à quel moment de l'année, et encore moins dans quelles circonstances exactes.

En fin de période apparaissent de nouveau des hivers très rigoureux, en 292, 299 et 306 pendant lesquels les cours d'eau sont pris par les glaces . Ces hivers sont les précurseurs d'un changement climatique.
La description des cours d'eau au paragraphe 1.1 peut nous renseigner sur ces cours d'eau qui devaient probablement geler beaucoup plus vite à cette époque que de nos jours où les rivières et fleuves sont canalisés avec des courants parfois assez forts ; un courant rencontrant de nombreux obstacles et freiné dans son écoulement se figeaient bien plus vite dans les glaces que nos cours d'eau actuels, d'autant plus que la largeur de leur lit avec de nombreux bras plus ou moins étroits favorisait l'embâcle.
Période de transition de 350 à 400

Les bouleversements ne sont pas spectaculaires mais des séries d'années froides se multiplient.
En 346 l'évènement c'est une période de 20 jours de pluie consécutifs qui provoque des inondations assez importantes, sans plus de précision.

1) de 350 à 380 la région connaît une série d'hivers extrêmement froids

Nous ne connaissons pas la situation météorologique de cette période mais l'influence des hautes pressions continentales et probablement de longues situations de blocage anticyclonique sur l'Atlantique ont permis à l'air polaire de s'installer durablement en hiver sur l'Europe.

L'hiver 355 est si terrible qu'une partie de la population est même décimée par des températures extrêmes; puis dès décembre 356 un nouvel hiver se montre très rigoureux , il a son apogée en janvier 357, le mois le plus rude : l'ensemble des cours d'eau est pris dans la glace.
De 358 à 360 la série des hivers très froids continue, les rivières sont gelées une partie de la saison notamment en 358 et en 359.

Ces hivers rigoureux s'espacent ensuite mais relevons encore celui de 366 où janvier est le mois le plus froid et celui de 377 où la rigueur de l'hiver permet au chef des Germains, Priar, de traverser le Rhin gelé à la hauteur de Kembs pour attaquer les postes romains le long du fleuve dans la plaine d'Alsace. Ce ne fut qu'une incursion éphémère mais elle ne réussit que grâce au « général hiver » qui a permis le franchissement de cette frontière naturelle très difficile à traverser en temps normal, surtout en hiver.

2) de 380 à 400, probablement un temps dans les normes

Les hivers semblent moins froids et en 397 on a même un automne spécialement doux; à la mort de St martin le 8 novembre, il fait si doux que l'on nommera désormais cette période (et encore aujourd'hui) « l'été de sa St Martin ».

  par beck
 
    2] le climat de 400 à 750 en Alsace-Moselle


Le climat de 400 à 750 en Alsace-Moselle

 

Période beaucoup plus fraîche de 400 à 750

Pour preuve de ce rafraichissement, c'est une nouvelle avancée des glaciers que l'on a pu étudier; cette période est probablement liée à une augmentation des précipitations et à une baisse de l'ensoleillement, mais surtout à une baisse de la température moyenne avec des hivers plus froids et des été plutôt frais.

1 ) de 400 à 410 une série d'hivers rudes

Dès 400 notre région connaît de nouveau des hivers difficiles, en 400 même le Midi de la France est touché par les vagues de froid, 401 est d'une même acabit.

En 406 il fait si froid que les populations qui se déplacent vers l'Europe de l'ouest peuvent traverser le Rhin gelé, le 31 décembre, à Mayence, au nez et à la barbe des Romains bloqués dans leurs places-fortes. Ainsi, grâce aux rigueur de l'hiver, la Gaule commence à être envahie, c'est le début de la décadence de l'Empire Romain d'Occident, et le temps qui n'y est pour rien a cependant permis d'accélérer le processus.
De même, durant l'hiver 407, les Germains arrivent à traverser le Rhin gelé pour entrer en Alsace ; toute la frontière de l'Empire ( le « limes ») est emportée encore une fois grâce à ce satané « général hiver » qui  a si souvent pu changer le cours des batailles, des guerres, de l'Histoire.

En 410 les gelées commencent déjà au mois d'octobre et vont durer environ 4 mois d'une manière continue pour ne prendre fin que le 12 février 411.
Mais les bouleversements politiques prenant le pas sur le changement climatique, les informations restent très rares pendant près d'un siècle. Il est cependant communément admis que cette période est plus froide que les normes.

2) une période assez peu connue entre 410 et 550 avec peu d'évènements passés à la postérité

On ne reparle d'hiver froid qu'en 454, c'est dire le temps qui est passé sans grandes nouvelles météorologiques ; en 462 également car il fait suffisamment froid pour que les rivières gèlent alors que l'hiver 468 est réputé avoir été très doux et suivi par un été seulement frais.

3) Une nouvelle série d'hivers froids apparaît entre 545 et 570.

L'année 545 est marquée par un froid très vif qui fige dans la glace la plupart des cours d'eau de la région, de même en 555; l'hiver 556 fut l'un des plus longs et des plus neigeux du siècle sans que l'on puisse en connaître la durée, ni les hauterus de neige tombées; enfin 559 aussi fut spécialement rigoureux.


4) de 570 à 590 les hivers sont très humides, doux, parfois même chauds

C'est probablement avec un anticyclone Atlantique positionné trop au sud et s'appuyant sur l'Afrique du Nord, faisant remonter de l'air doux et humide depuis ses racines tropicales que cette période souffre d'une manière durable du passage de dépressions et de tempêtes bien chargées en précipitations, notamment en hiver.
Ainsi en 571 de fortes pluies tombent sur la région en hiver et de fréquentes crues inondent la plaine mais aussi certaines vallées vosgiennes.
Conséquence de ce fléau : de mauvaises récoltes qui engendrent une terrible disette qui va aller en s'aggravant au fil des années; s'ajoute à ces maux une épidémie de peste qui frappe durement une population affaiblie par les privations et par la malnutrition, comme c'est le cas alors dans la plupart des régions d'Europe. Cette épidémie va perdurer jusque vers 591.

Ces fréquentes pluies et inondations vont se reproduire dans les années suivantes, en 572, de nouveau en 576 avec un hiver particulièrement pluvieux et en 579 où c'est le mois d'octobre qui est marqué par des pluies torrentielles et des crues subites et dévastatrices.

Même type de temps lors de l'hiver doux de 582 où, par exemple, de fortes pluies d'orage ont lieu en janvier ; par contre cette année-ci les arbres fruitiers ont été en fleurs durant l'hiver tant la douceur fut importante et durable.
En 583 également l'hiver fut doux et les inondations fréquentes surtout en février ; en 584 la douceur hivernale est si anormalement présente que les rosiers refleurissent durant la mauvaise saison.

En 585 l'hiver est de nouveau marqué par des inondations et cette série d'hivers « catastrophes » débouche sur une nouvelle famine; de plus l'automne est si doux que les arbres fruitiers refleurissent avant la fin de l'année.
Même douceur en 586 et, en certains endroits mêmes, les vignes refleurissent avant la fin décembre. L'hiver 587 reste dans les mêmes perspectives, certains arbres fruitiers, qui ont refleuri en automne, portent des fruits en décembre 586 ou en janvier 587.

Enfin 588 est la dernière année à hiver très chaud; une chance cette fois-ci pour les Alsaciens Lorrains qui profitent de l'aubaine pour faire une très bonne récolte fruitière ; en novembre les rosiers donnent de nouvelles fleurs.
Alors imaginez un enfant né vers 570 : il n'a pas connu de véritable hiver jusqu'à l'âge de ses 20 ans et il a grandi dans un climat beaucoup plus océanique un peu comme les Bretons de nos jours ! Mais , même si le temps a été marqué par une grande douceur, il a aussi dû connaître quelques épisodes neigeux ou pluvio-neigeux comme c'est le cas aucours des hivers doux actuels.

5) Nouvelle série d'hivers très froids entre 590 et 610

Déjà en 593 la population subit un hiver rude mais il reste encore isolé dans une suite d'hivers proches des normales mais qui ont dû sembler bien froids par rapport à la période précédente.
C'est en 602 que le temps se gâte vraiment avec un hiver très froid ; les rivières gèlent, les cultures sont abîmées et une nouvelle famine se produit.
603 eut un hiver tout aussi froid avec de nouveaux dégâts dans le vignoble où les ceps de vigne gélent sur place.

604 est du même acabit, très rigoureux avec une début de famine, 605 suit le mouvement avec des températures très basses qui endommagent encore une fois les vignes.
Après une année d'accalmie, l'hiver 607 se montre rude de même que celui de 608 au cours duquel une partie du vignoble de nos régions est de nouveau gravement atteinte par les attaques du gel.
Vient enfin une accalmie de quelques années avec des hivers qui rentrent dans les normes jusqu'au début du 8e siècle.

6) une période plutôt calme sans grands évènements marquants entre 610 et 670

La seule période avec des hivers très froids se situe entre 660 et 670 ; parmi les plus froids il faut citer 663 mais aussi 665, année où tous les cours d'eau sont pris dans les glace, et 670 qui est marqué par un hiver très enneigé même en plaine.

7) de 700 à 750 une période de transition avant un réchauffement

Cette période est marquée par un dernier hiver très rigoureux, celui de 717, le dernier avant une tendance plus affirmée au réchauffement. Autre année à retenir, celle de 732, où le mois d'octobre a été si pluvieux que les inondations ont fait de nouveaux dégâts dans toute la région.

  par beck